Patrimoine Historique
Le projet : sauvegarder une chapelle du XIe siècle
Par son ancienneté, la chapelle de Prigny relève d'un art roman primitif, d'une grande sobriété. L'édifice a été ornementé aux XVIIème et XVIIIème siècles de trois beaux retables représentatifs du savoir-faire des artistes locaux. Le projet de restauration a été initié en raison du péril encouru par ces oeuvres d'art, dans un environnement marqué par l'usure du temps et les contraintes liées à l'hydrologie. Ainsi la tranche ferme de travaux concernée par la collecte de dons consiste dans la restauration du clocher (maçonneries, charpente et couverture), celle des extérieurs de la nef (façades nord et ouest) et la révision de la toiture, des réseaux d'assainissement et du mur de clôture. Divers travaux de menuiserie et d'électricité complèteront cet ensemble.
Le lieu et son histoire : un édifice avec trois beaux retables du XVIIe et XVIIIe siècles
Une chapelle dédiée à Saint Jean-Baptiste est attestée dans l'ancienne ville de Prigny dans la seconde moitié du XIème siècle. Chapelle probablement d'origine castrale, elle devient église paroissiale de Prigny à la fin du Moyen-Age et le reste jusqu'à la Révolution. Un clocher, parfois identifié comme ouvrage défensif, est édifié au XIVème siècle. Vers 1661-1662, le maître-autel dédié à Saint Jean-Baptiste et le retable de la Vierge sont édifiés par Etienne Bedoy, architecte et sculpteur. Un troisième retable est édifié au XVIIIème siècle. Les deux travées du choeur contenant les trois retables ont été classés au titre des monuments historiques en 1913.
La mobilisation : une chapelle vivante avec de nombreuses animations
La chapelle de Prigny a vocation à accueillir des concerts classiques, des poésies musicales, des expositions et des conférences. Ces événements pourront être organisés par la commune et plusieurs associations dont " les mercredis de Prigny". Les concerts organisés à la chapelle en saison par cette association génèrent une affluence importante et jouent un rôle important dans l'attractivité communale. L'association fait également découvrir le patrimoine historique des Moutiers-en-Retz, en particulier la chapelle et ses abords, par des visites libres ou guidées.
église MONSIEUR-SAINT-JEAN-LE-BAPTISTE
Les Moutiers-en-Retz
La chapelle.
Elle date du XIème siècle. Elle est longue de 17m60 et large de 6m90.
Contrairement aux églises de cette période, celle-ci n'est pas orientée. Elle est construite Nord-Sud.
Personne, parmi les auteurs qui ont étudié Prigny, ne comprend la raison de ce manque d'orientation. Peut-être le château voisin empêchait-il une ouverture le long de son mur : pure hypothèse.
Ses ouvertures accusent le roman primitif, de même que le contrefort placé de biais au coin sud-ouest de la façade. D'autres contreforts soutiennent les murs à l'ouest et témoignent du pré-roman.
Les ouvertures rares et de plein cintre, confirment l'ancienneté de l'édifice.
Au sud face au marais breton, une large porte en « anse de panier », la porte principale de la chapelle est surmontée d'une fenêtre et, au sommet du pignon, d'un oculus. Des armoiries, usées par l'érosion éolienne, absolument illisibles, sont peut-être celles des sires de Rais ou, par leur drapé, celles de quelque abbé commendataire.
Vous pouvez pénétrer par la porte secondaire latérale située à l'est. En face de vous une autre porte donne accès au clocher. Cette vaste pièce de 50m2, avec une grande cheminée, servit un temps d'habitation au curé, lorsque la conventualité cessa à l'abbaye (la Bouie)...Les murs épais de la chapelle sont blanchis à la chaux, comme l'était jadis les maisons du pays. Quatre fenêtres éclairent le bâtiment dont la voute de bois laisse apparaître de grosses pièces de charpente. Sur l'une est gravée la date d'une restauration : 1641.
Le clocher.
Masse carrée de 7m de coté, avec sa hauteur de 10m, il forme un cube de maçonnerie, sans aucune ouverture extérieure. Il est postérieur à l'église elle-même et semble avoir servi de tour de guet pour les Templiers qui furent un temps la maréchaussée ducale, chargés de la police de la route, de la surveillance des marchands et des pèlerins.
La pierre à cochons.
Dès le haut Moyen-Age un cimetière existait déjà autour de l'église. Dans le mur d'enclos, à l'est, face à la porte latérale, vous apercevez une échancrure fermée à mi-hauteur par une dalle de schiste. C'est une « pierre à cochons ». Jadis les cochons pacageaient sur les communaux autour des lieux de culte. Mais les cochons avaient la mauvaise habitude de pénétrer dans les cimetières où ils déterraient parfois les morts. Le duc de Bretagne avait donc demandé de mettre à l'entrée une pierre que les chrétiens pourraient enjamber, mais qui condamnerait l'accès aux porcs.
Les trois autels.
La richesse de cette église se trouve dans les trois autels du XVIIème siècle.
Le maître autel est dédié au patron de l'église Saint-Jean Baptiste.
C'est un retable composé de colonnes, de niches, de guirlandes. Au sommet nous voyons saint Jean et son agneau. De chaque coté de cet autel principal, deux statues : saint Luc l'évangéliste et saint Marcoul, abbé de Nanteuil.
Le tableau central a disparu. Lors de la restauration en 1876, on plaça sur l'autel un Christ avec une Vierge des Douleurs et l'apôtre saint-Jean. Le tableau central était un ciel étoilé, car au XIXème siècle on ne concevait pas de calvaire sans ciel étoilé.
Un tabernacle de bois, très orné dans le goût du XVIIIème siècle. Une inscription à l'intérieur indique : « Fait par moi, A.Leblanc, maître menuisier à Nantes, ce 28 août 1852 ».
C'est l'époque de Louis XV, qui fut l'âge d'or de la paroisse Saint-Jean Baptiste. Parlant de ce retable le chanoine Russon écrit :
« l'ensemble, peint de couleurs vives, est imposant de grâce et de majesté, avec ses six colonnes aux chapiteaux corinthiens enjolivés de volutes, avec ses têtes d'angelots joufflus, avec ses vases, d'où s'échappent des flammes ardentes. C'est la noble et agréable ordonnance du Grand Siècle. »
Dans le choeur, il faut encore signaler une crédence en pierre aménagée dans le mur latéral. Elle remonte au XIVème siècle. Au-dessus un grand Christ de l'école espagnole sans doute du XVIIème siècle, étend largement les bras, contrairement aux christs d'inspiration jansénistes. Le maître-autel est orné en son milieu de la croix de Malte, qui nous rappelle la longue présence des templiers et de leurs successeurs sur le site de Prigny. Ce même autel est surmonté de trois miroirs : l'un au-dessus du tabernacle et les deux autres aux extrémités. Leur but était de multiplier le luminaire avant l'apparition de l'électricité. Ces autels à miroirs sont rares. Il en existe un autre à St-Aignan-de-Grand-Lieu. Ils sont plus nombreux en Normandie.
Au fond de l'église est accrochée une ancre de Viking, enterrée près de l'église avant le départ des Normands en 938, retrouvée avec trois autres à la fin du XIXème siècle...
Les deux autels latéraux sont de même style et de la même époque, le XVIIIème siècle.
Celui de gauche, dédié à la Vierge,
présente un retable classique en pierre polychromée, mais les quatre colonnes corinthiennes sont ornées à leur base : fleurs feuillages et angelots tenant dans leur bouche des guirlandes de fruits. Les niches latérales abritent un saint Joseph avec l'Enfant Jésus (deux statues séparées formant un seul groupe) et un saint Germain.
L'autel est surmonté d'une Vierge en bois polychrome, Vierge Normande remontant à l'époque où la baie de Bourgneuf ravitaillait en sel les greniers du roi à Rouen. Elle est caractérisée par une tête large, un enfant Jésus « grandillet » grand et laid, (oreilles décollées tête étroite), un manque de regard maternel entre la mère et le fils. Enfin le voile de la Vierge est court. Le déhanchement annoncerait un XIVème siècle. D'après les spécialistes, cette statue serait pourtant antérieure, probablement fin XIIIème siècle, époque de la prospérité de la baie du sel. Fut-elle sculptée en Normandie, ou chez nous par un artiste normand ? Nous ne pouvons le dire. Cette statue fut restaurée en 1966 par les Beaux-Arts.
Le retable de droite, est renommé par ses deux statues, celle de saint Augustin en haut, à droite celle de saint Guénolé, et à gauche celle de saint Antoine de Padoue.
Saint Guénolé fut le fondateur au Vème siècle de l'abbaye de Landévennec près de Brest.
Cet abbé breton – dont le nom signifie « tout blanc » - fut au Moyen-Age le patron des paludiers de la région de Guérande. Comme les relations étaient continuelles entre ce pays du sel et notre baie, les sauniers du Pays de Retz prirent également Guénolé pour patron. Mais à Prigny l'on ne parlait pas breton. Guénolé ou Gwénolé devint donc Guinolet. C'est pourquoi les textes anciens concernant notre paroisse mentionnent toujours : saint Guinolet.
Il est invoqué par les jeunes filles qui désirent un mari. Piquer le pied du saint permet à la demoiselle de trouver l'âme soeur.
« Les Mercredis de Prigny »
ont le plaisir de vous offrir cette présentation de la chapelle extraite de l'ouvrage d'
Emile Boutin : Les Moutiers en Retz ed.Siloé 1998.
Nos remerciements à l'auteur.
La « Ville de Prigny »
Les Moutiers-en-Retz
Les Moutiers ne furent jusqu'au XIème siècle qu'un simple faubourg de Prigny. Ils sont mentionnés dans les chartes comme « IN TERRITORIO PRUNIA CENSI » (sur le territoire de Prigny).
Situé sur l'ancien rivage du golfe de Machecoul, Prigny domine le marais breton. Les Gaulois avait déjà installé un camp sur la butte. Plus tard lors de la conquête romaine, Prigny fut fortifié et devint un « Oppidum » (forteresse) surveillant la baie de Bourgneuf (PORTUS SECOR) et les deux voies romaines y aboutissant.
L'oppidum assurait aussi la protection de la « villa romaine », une vaste exploitation agricole qui s'étendait sur les Courtes et la Rairie. C'est logiquement le nom de son propriétaire « PRUNIACUS » qui a donné le nom de Prigny, telle était alors la coutume.
Des forges existaient à proximité (le village des Forges). Elles ont probablement participé à la construction des trirèmes de César pour combattre les Vénètes.
La production ignifère du sel était courante avant la création des premières salines. On a mis au jour deux beaux fours à sel avec augets, l'un au camping du bourg, l'autre à côté de la Rairie. Ils dateraient du Ier siècle avant Jésus-Christ.
En 813 les Normands s'installent à Noirmoutier, Bouin et sur la butte de Prigny, qui en garde le souvenir, puisqu'elle porte sur l'ancien cadastre le nom de « DANDE BUTTE » ou « butte aux Danois ». D'autre part , dans la chapelle est exposée l'une des trois ancres vikings trouvées dans un souterrain. Les Normands ont fabriqué ces ancres (non utilisées) dans les forges du village et les ont cachées quand il furent chassés du Pays de Retz en 938 par le duc de Bretagne Alain BARBETORTE.
Au XIème siècle le château existe sur la butte. Il appartient à JUDICAEL, officier de justice du sire de Rais et à sa femme ADENOR. C'est à cette dame que nous devons l'église MADAME et le prieuré du RONCERAY aux Moutiers.
La chapelle du château sert aussi d'église paroissiale et est dédiée à « Monsieur Saint-Jean-le-Baptiste ».
Des douves profondes alimentées en eau de mer entourent la forteresse, mais aussi toute la ville de Prigny. Celle-ci de plus, est protégée par un mur d'enceinte long de plus d'un kilomètre. L'entrée de cette ville fortifiée était au sud, au lieu-dit « le Pas de La Porte ».
Par l'étier de Millac, la mer remontait jusqu'au port du château situé en bas de la butte. Des entrepôts existaient au lieu-dit « La GUILLAUDERIE ».(voir le plan de Prigny).
Au nord, au-delà des douves, les bénédictins de St-Jouin-de-Marnes construisirent un prieuré St-Nicolas, dont la chapelle servit un moment d'église paroissiale, jusqu'au XVème siècle. Puis les moines partirent et le culte public revint à St-Jean-le-Baptiste. Pendant une trentaine d'années, le curé habite le clocher, puis on lui construisit une cure sur la route de Méré.
La grande période historique de Prigny est celle de la guerre de succession de Bretagne, pendant la guerre de Cent ans. Au XIVème siècle, les Anglais occupent le château pendant plusieurs décennies. Des capitaines du roi EDOUARD III en font une base permettant de mettre le Pays de Retz et le nord du Poitou en coupe règlée. Une bataille eut lieu devant Prigny qui vit périr un grand officier français Maurice du PARC. La châtellenie de Prigny sera même pendant une quinzaine d'années propriété du duc de Bretagne JEAN IV, allié des Anglais, qui, en 1396, devra rendre toute la baronnie de RAIS (Retz) à sa vraie propriétaire Jeanne CHABOT, dite la Sage. Cette dame, n'ayant pas d'enfant, laisse ses biens à Guy de LAVAL, son cousin, le père de GILLES de RAIS. C'est ainsi que le plus grand criminel du Moyen-Age va devenir seigneur de Prigny. En 1581 le château appartient au duc de Retz.
Ce château, fortement campé sur la butte comprenait, au sud, une haute tour qui servait de poste de guet et aussi d'amer, et au nord un vaste quadrilatère, le logis et les murs de défense, séparé de cet ensemble par une cour d'honneur, bordée de fossés, le donjon complétait ce système défensif très fortifié. Le donjon avait des murs épais de trois mètres et était lui-même protégé par un terre-plein qui formait terrasse avec parapet. L'accès au château était commandé par deux ponts-levis.
Au XVIIème siècle, bien que le château soit considéré comme « gast et ruiné » et que « la Cour » (siège de la juridiction) soit transféré à Bourgneuf, Prigny est encore considéré comme une ville et l'on y trouve quelques notables dont un chirurgien « honorable homme Michel MOREL exerçant la médecine et la chirurgie, demeurant en la ville et paroisse de Prigny, agé de 50 ans environ ».
Au moment de la révolution, le château délabré ne joua aucun rôle. Il fut acheté en 1832 par François BRUERE, de Bourgneuf, qui acheva de le détruire en en vendant les pierres. Ces matériaux servirent à la construction de plusieurs maisons du village des Sables.
Comme tout château fort, celui de Prigny, possédait deux souterrains permettant l'évacuation de la forteresse en cas de besoin. L'un se dirigeait vers le nord et aboutissait à l'Harouteil, là où se trouvait jadis un grand étang au-dessous de la Bouie (ou abbaye).
Le second fut mis au jour lors des travaux effectués par l'E.D.F. en 1949, sur le côté gauche de la route de l'abbaye, en montant vers la chapelle. Il se prolongeait par le « petit chemin » et débouchait près du « Goulet du Port » à la GUILLAUDERIE, permettant une fuite par l'étier de Millac.
Prigny, pendant tout le Moyen-Age, accueillit des pèlerins venant de Bretagne et se rendant à Saint-Jacques de Compostelle. Ils traversaient la Loire au Migron à Frossay ou au Pellerin et par des voies antiques arrivaient ici où des moines d'une abbaye angevine les accueillaient dans leur petit prieuré situé face à la butte sur l'autre rive de l'étier, sur le côteau Saint-Jacques.
Après s'être reposés, les Jacquets continuaient leur route, soit à pied, soit par bateau car un gros trafic se faisait au Collet. Les Espagnols de la côte cantabrique et de Vigo nous apportaient des agrumes et leurs navires repartaient avec des harengs salés de la Baltique par les navires de la Hanse.
Le « passage des Jacquets » près des murs de l'ancienne « Cour » vous rappellera les pèlerins.
Il convient de flâner dans Prigny, de découvrir les rues étroites bordées de hauts murs des XIVème et XVème siècles, d'y rechercher les pierres de lest apportées par les navires du nord, ainsi que les anciens puits, les anciens moulins à vents.
Il faut enjamber la « pierre à cochons », sise dans l'ancien cimetière qui entourait la chapelle. Les cochons qui pacageaient jadis aux alentours ne pouvaient plus entrer dans le cimetière car ils déterraient les morts. Le duc de Bretagne pour protéger les sépultures avait ordonné ces « pierres à cochons ».
Lorsque vous allez reprendre votre voiture sur le parking, en face de la Bouie (abbaye), vous serez sur le premier cimetière de Prigny, datant de la paix romaine.
Pour « Les Mercredis de Prigny » extraits de textes inédits d'Emile Boutin
La chapelle de Prigny est inscrite au titre des monuments historiques, en totalité, avec son placître et son mur de clôture qui lui est historiquement lié. L'arrêté du 10 Novembre 2016 complète, pour les parties inscrites, l'arrêté de classement au titre des monuments historiques, du 22 octobre 1913.