La « Ville de Prigny »
Les Moutiers-en-Retz
Les Moutiers ne furent jusqu'au XIème siècle qu'un simple faubourg de Prigny. Ils sont mentionnés dans les chartes comme « IN TERRITORIO PRUNIA CENSI » (sur le territoire de Prigny).
Situé sur l'ancien rivage du golfe de Machecoul, Prigny domine le marais breton. Les Gaulois avait déjà installé un camp sur la butte. Plus tard lors de la conquête romaine, Prigny fut fortifié et devint un « Oppidum » (forteresse) surveillant la baie de Bourgneuf (PORTUS SECOR) et les deux voies romaines y aboutissant.
L'oppidum assurait aussi la protection de la « villa romaine », une vaste exploitation agricole qui s'étendait sur les Courtes et la Rairie. C'est logiquement le nom de son propriétaire « PRUNIACUS » qui a donné le nom de Prigny, telle était alors la coutume.
Des forges existaient à proximité (le village des Forges). Elles ont probablement participé à la construction des trirèmes de César pour combattre les Vénètes.
La production ignifère du sel était courante avant la création des premières salines. On a mis au jour deux beaux fours à sel avec augets, l'un au camping du bourg, l'autre à côté de la Rairie. Ils dateraient du Ier siècle avant Jésus-Christ.
En 813 les Normands s'installent à Noirmoutier, Bouin et sur la butte de Prigny, qui en garde le souvenir, puisqu'elle porte sur l'ancien cadastre le nom de « DANDE BUTTE » ou « butte aux Danois ». D'autre part , dans la chapelle est exposée l'une des trois ancres vikings trouvées dans un souterrain. Les Normands ont fabriqué ces ancres (non utilisées) dans les forges du village et les ont cachées quand il furent chassés du Pays de Retz en 938 par le duc de Bretagne Alain BARBETORTE.
Au XIème siècle le château existe sur la butte. Il appartient à JUDICAEL, officier de justice du sire de Rais et à sa femme ADENOR. C'est à cette dame que nous devons l'église MADAME et le prieuré du RONCERAY aux Moutiers.
La chapelle du château sert aussi d'église paroissiale et est dédiée à « Monsieur Saint-Jean-le-Baptiste ».
Des douves profondes alimentées en eau de mer entourent la forteresse, mais aussi toute la ville de Prigny. Celle-ci de plus, est protégée par un mur d'enceinte long de plus d'un kilomètre. L'entrée de cette ville fortifiée était au sud, au lieu-dit « le Pas de La Porte ».
Par l'étier de Millac, la mer remontait jusqu'au port du château situé en bas de la butte. Des entrepôts existaient au lieu-dit « La GUILLAUDERIE ».(voir le plan de Prigny).
Au nord, au-delà des douves, les bénédictins de St-Jouin-de-Marnes construisirent un prieuré St-Nicolas, dont la chapelle servit un moment d'église paroissiale, jusqu'au XVème siècle. Puis les moines partirent et le culte public revint à St-Jean-le-Baptiste. Pendant une trentaine d'années, le curé habite le clocher, puis on lui construisit une cure sur la route de Méré.
La grande période historique de Prigny est celle de la guerre de succession de Bretagne, pendant la guerre de Cent ans. Au XIVème siècle, les Anglais occupent le château pendant plusieurs décennies. Des capitaines du roi EDOUARD III en font une base permettant de mettre le Pays de Retz et le nord du Poitou en coupe règlée. Une bataille eut lieu devant Prigny qui vit périr un grand officier français Maurice du PARC. La châtellenie de Prigny sera même pendant une quinzaine d'années propriété du duc de Bretagne JEAN IV, allié des Anglais, qui, en 1396, devra rendre toute la baronnie de RAIS (Retz) à sa vraie propriétaire Jeanne CHABOT, dite la Sage. Cette dame, n'ayant pas d'enfant, laisse ses biens à Guy de LAVAL, son cousin, le père de GILLES de RAIS. C'est ainsi que le plus grand criminel du Moyen-Age va devenir seigneur de Prigny. En 1581 le château appartient au duc de Retz.
Ce château, fortement campé sur la butte comprenait, au sud, une haute tour qui servait de poste de guet et aussi d'amer, et au nord un vaste quadrilatère, le logis et les murs de défense, séparé de cet ensemble par une cour d'honneur, bordée de fossés, le donjon complétait ce système défensif très fortifié. Le donjon avait des murs épais de trois mètres et était lui-même protégé par un terre-plein qui formait terrasse avec parapet. L'accès au château était commandé par deux ponts-levis.
Au XVIIème siècle, bien que le château soit considéré comme « gast et ruiné » et que « la Cour » (siège de la juridiction) soit transféré à Bourgneuf, Prigny est encore considéré comme une ville et l'on y trouve quelques notables dont un chirurgien « honorable homme Michel MOREL exerçant la médecine et la chirurgie, demeurant en la ville et paroisse de Prigny, agé de 50 ans environ ».
Au moment de la révolution, le château délabré ne joua aucun rôle. Il fut acheté en 1832 par François BRUERE, de Bourgneuf, qui acheva de le détruire en en vendant les pierres. Ces matériaux servirent à la construction de plusieurs maisons du village des Sables.
Comme tout château fort, celui de Prigny, possédait deux souterrains permettant l'évacuation de la forteresse en cas de besoin. L'un se dirigeait vers le nord et aboutissait à l'Harouteil, là où se trouvait jadis un grand étang au-dessous de la Bouie (ou abbaye).
Le second fut mis au jour lors des travaux effectués par l'E.D.F. en 1949, sur le côté gauche de la route de l'abbaye, en montant vers la chapelle. Il se prolongeait par le « petit chemin » et débouchait près du « Goulet du Port » à la GUILLAUDERIE, permettant une fuite par l'étier de Millac.
Prigny, pendant tout le Moyen-Age, accueillit des pèlerins venant de Bretagne et se rendant à Saint-Jacques de Compostelle. Ils traversaient la Loire au Migron à Frossay ou au Pellerin et par des voies antiques arrivaient ici où des moines d'une abbaye angevine les accueillaient dans leur petit prieuré situé face à la butte sur l'autre rive de l'étier, sur le côteau Saint-Jacques.
Après s'être reposés, les Jacquets continuaient leur route, soit à pied, soit par bateau car un gros trafic se faisait au Collet. Les Espagnols de la côte cantabrique et de Vigo nous apportaient des agrumes et leurs navires repartaient avec des harengs salés de la Baltique par les navires de la Hanse.
Le « passage des Jacquets » près des murs de l'ancienne « Cour » vous rappellera les pèlerins.
Il convient de flâner dans Prigny, de découvrir les rues étroites bordées de hauts murs des XIVème et XVème siècles, d'y rechercher les pierres de lest apportées par les navires du nord, ainsi que les anciens puits, les anciens moulins à vents.
Il faut enjamber la « pierre à cochons », sise dans l'ancien cimetière qui entourait la chapelle. Les cochons qui pacageaient jadis aux alentours ne pouvaient plus entrer dans le cimetière car ils déterraient les morts. Le duc de Bretagne pour protéger les sépultures avait ordonné ces « pierres à cochons ».
Lorsque vous allez reprendre votre voiture sur le parking, en face de la Bouie (abbaye), vous serez sur le premier cimetière de Prigny, datant de la paix romaine.
Pour « Les Mercredis de Prigny » extraits de textes inédits d'Emile Boutin
La chapelle de Prigny est inscrite au titre des monuments historiques, en totalité, avec son placître et son mur de clôture qui lui est historiquement lié. L'arrêté du 10 Novembre 2016 complète, pour les parties inscrites, l'arrêté de classement au titre des monuments historiques, du 22 octobre 1913.